Avec Nora, on débutait nos rendez-vous de fin d’aprem par un débrief de la journée, et bien souvent on râlait. On se plaignait de nos chefs, des gens en général, du job et de ses absurdités. On passait de longs moments à analyser ce que l’un avait dit, pourquoi, comment ça nous avait ennuyées, comment l’autre était stupide, à quel point le monde allait mal, blablabla. Est-ce que ça te parle? Tu te reconnais dans tes discussions de couple, ou avec tes collègues ou tes amis? A force, on se fatiguait mutuellement, en boucle sur les mêmes choses, on s’épuisait à se lamenter et à critiquer. Ce n’est pas très agréable d’écouter l’autre se plaindre longuement, et comme on n’a pas des vies différentes tous les jours, on se plaint souvent des mêmes choses.

Et puis, je nous ai entendues. Cette fille, drôle, généreuse, chaleureuse et moi créions un monde de négativité. C’était comme si un arc-en-ciel et un soleil se rencontraient et qu’ensemble ils choisissent de produire une flaque de goudron puant et collant. On était pourtant deux êtres capables de tellement mieux, mais on continuait à contribuer activement à tout ce qui est moche en remplissant l’atmosphère et notre relation de mots dénigrants, de critiques stériles, mettant toute notre énergie à la poubelle.
A partir du moment où je l’ai remarqué, je ne l’ai plus supporté, et je l’ai dit dans la foulée. Je conçois que:  » T’as remarqué qu’on se plaint tout le temps, et bref moi ça me fatigue alors on pourrait essayer de changer ?  » de but en blanc, ça peut être un peu désarçonnant. Puis, j’ai proposé: « Et si on s’interdisait de prononcer une seule parole négative dans les 5 premières minutes de nos conversations? Si on débutait tous nos rendez-vous par ce qui a bien été dans nos journées? »

Cascades d’effets positifs
Au début, il fallait que je pense à ce que j’allais dire. Et donc que je pense à des choses positives, que je me force à considérer ce qui va bien. Penser à des choses positives, j’ai connu pire comme exercice rébarbatif. Si t’as de la peine avec ça, demande-toi à quoi peut bien te servir la négativité? De quoi elle te protège? Parfois, ça sert à ne pas se remettre en question soi-même et donc à éviter de changer. Et franchement, quand t’as des points dans ta vie désagréables, quel est l’intérêt de les répéter en boucle? Déjà que tu les vis au quotidien, alors tu ne vas pas en plus les laisser envahir tout le territoire, annihilant ce qui est agréable. Au contraire, plus tu remarques ce qui est cool, plus tu laisses le cool prendre place, mieux tu te sens et donc plus tu te crées d’autres moments cool, c’est magique! Par conséquent, le reste a eu moins de place.

L’histoire que je me racontais à l’intérieur de moi a changé, me changeant moi aussi.

Ensuite, ton vocabulaire change, tu sèmes des mots qui font du bien dans ton champ lexical. Tu passes de « quel con » à « c’était vraiment chouette », de « j’ai cru que j’allais décéder d’ennui » en parlant d’une séance au job à  » je me suis sentie super connectée, c’était tellement beau » en passant le même temps à décrire ce que t’as ressenti en regardant le coucher de soleil. Je préfère passer 5 minutes à écouter quelqu’un parler d’un dégradé de couleurs, que des guerres de territoire au travail. Après quelques rodages, des débuts peu naturels, c’est vite devenu une habitude. C’était il y a quatre ans, depuis on ne commence pas par du positif, l’exercice s’est évaporé tout seul. Je l’aime toujours autant qu’avant, mais mieux.

Je crois que les mots que tu choisis, et les histoires que tu racontes ont une influence sur ton cerveau, tes émotions et donc également ton corps. Alors je te suggère de réfléchir à ce que tu vas dire à la prochaine personne avec qui tu partageras un moment, parce que l’histoire que vous vous racontez est aussi porteuse pour elle que pour toi. Si tu veux changer le monde, ou si tu veux juste te sentir un tout petit peu mieux encore, commence par changer tes mots. Le reste suivra.